URGENCE D’ASSAINIR LE CLIMAT DES AFFAIRES ET DE DEPOLITISER LA SOUS-TRAITANCE DANS LE SECTEUR MINIER DE LA RDC
JUSTICIA Asbl, une organisation de promotion et de protection des droits humains et droits humanitaires basée en République Démocratique du Congo, appelle le gouvernement congolais à améliorer le climat des affaires dans le secteur minier en alertant sur le risque d’une crise sociale et économique qui pourrait avoir des conséquences incalculables sur la relance économique du pays et retarder d’avantage son développement à la suite de la détérioration du climat des affaires devenue moins propice à l’incitation des investisseurs sérieux et responsables dans le secteur minier, en particulier, ainsi que la diversification d’autres secteurs d’activités1 . Pour JUSTICIA Asbl, le Gouvernement congolais semble ne pas être en mesure de relever le défi de la diversification des activités économiques par l’absence des stratégies efficaces et cohérentes devant inciter les investisseurs à se ruer à la porte de la RDC pour son industrialisation. Malgré le fait que le prix du cuivre sur le marché mondial ait sensiblement augmenté et que le métal rouge soit devenu trop convoité que la capacité de production, la RDC peine toujours à attirer des gros investisseurs miniers ni mobiliser suffisamment des revenus pour la relance de son économie. Toujours est-il de souligner que le nouveau cadre législatif (code et règlement minier révisés) contient plusieurs avancées et innovations qui, si elles étaient mieux appliquées, contribueraient à l’amélioration de la gouvernance du secteur minier et apporteraient d’importantes retombées économiques et sociales bénéfiques aux citoyens. En plus, il y a lieu de paraphraser Albert YUMA, ancien Président de la FEC, qui s’interrogeait avec pertinence lors de la tenue des réflexions organisées à la 4ième année de l’entrée en vigueur du nouveau code et règlement minier : « l’Etat a bénéficié des recettes fiscales exceptionnelles générées par des cours extrêmement élevés. Est-ce que cela a-t-il changé durablement le quotidien des Congolais » ? En effet, il nous revient des enquêtes menées auprès des opérateurs miniers du Grand Katanga qu’une crise due à la baisse de l’activité minière frappe de plein fouet la filière de cuivre-cobalt de la RDC pendant que le secteur du lithium a été plombé depuis 2021 par l’intrusion de l’entreprise chinoise ZIJIN, soutenue par la COMINIERE et des officiels identifiés par IGF2 , de manière contestée et dénoncée par le Rapport de l’Inspection des Finances, un service dépendant de la Présidence de la République, dans la société Dathcom Mining à Manono qui était en bonne voie avec les Australiens de AVZ Minerals pour faire figurer le pays parmi les grands producteurs de ce minerai stratégique et critique. Par ailleurs, il est à saluer le fait que l’Entreprise générale du Cobalt (EGC), ait pu obtenir finalement la désignation de deux sites pilotes pour son approvisionnement en minerais artisanal. Dans les lignes qui suivent, nous essayons de dégager le diagnostic global des causes à la base de la baisse de l'activité minière (1), avant de formuler des recommandations (2).
1. LES CAUSES DE LA BAISSE DE L’ACTIVITE MINIERE Les causes de la baisse de l’activité minière sont en grande partie liées au contexte politico-social morose dont souffre la RDC depuis des décennies. Sans entrer en détails, nous épinglons quelques causes plus récentes ci-après : A. Des injonctions du gouvernement congolais aux opérateurs miniers de payer anticipativement les impôts et taxes pour les exercices fiscaux 2024-2025 Le gouvernement congolais recourt aux entreprises minières pour le paiement des avances sur impôts3 et taxes des années 2024 et 2025. D’après nos investigations, ces sommes colossales aideraient à financer les activités urgentes des institutions issues des élections de décembre 2023. Plusieurs sources ont confié à JUSTICIA Asbl que ces pratiques sont monnaie courante et les gouvernements précédents y avaient fait recours pour financer des projets d'urgence à impact rapide comme les récents projets dits de 100 jours mis en œuvre à l'entrée en fonction du Président Félix TSHISEKEDI en 2019. Cependant, plusieurs entreprises minières n’auraient pas suffisamment de liquidité pour répondre favorablement à la demande du gouvernement congolais. B. La mauvaise gestion de la sous-traitance dans le secteur minier Le gouvernement congolais a fait de l’exclusivité des Congolais dans la sous-traitance minière 4 , régit par la loi n° 017/001 du08/02/2017, son vrai cheval de bataille. A la suite de la redynamisation de l’Autorité de Régulation de la sous-traitance dans le secteur Privé (ASRP), son nouveau Directeur visiblement dynamique mais ayant également des intérêts personnels dans le domaine minier à travers des sociétés de prête-noms, aurait imposé aux grandes entreprises minières une liste d’environ 40 entreprises dites congolaises pour la sous-traitance. Une trentaine de ces entreprises seraient non viables et ne disposeraient ni de l’expertise, ni des ressources financières et techniques nécessaires pour rendre des services de qualité aux opérateurs miniers. Tandis que l’autre dizaine d’entreprises serait constituée soit de ses propres entreprises ou soit des celles des membres de la famille du Président Félix TSHISEKEDI ou d’autres personnalités membres des partis politiques au pouvoir5 . Ces entreprises, créées pour la plupart récemment, ne disposent pas non plus d’une expérience avérée dans leurs secteurs d’intervention, mais ont l'avantage de bénéficier de quelques soutiens politiques haut placés et peuvent s'en prévaloir pour obtenir des prêts auprès du Fonds de Promotion de l’Industrie (FPI). De ce fait, les entreprises minières sont souvent obligées de confier des marchés de sous-traitance à ces entreprises non qualifiées dans le cadre de la mise en œuvre de leurs opérations minières. Certains projets comme celle de l'asphaltage de la Route Munua prolongement de Golf Faustin à Lubumbashi qui auraient été financés depuis près de deux ans sans que les moindres travaux ne commencent.6 Certaines entreprises asiatiques, par contre, auraient trouvé des mécanismes pour contourner la loi sur la sous-traitance en plaçant quelques congolais en prête-nom devant des entreprises créées par elles-mêmes.
‘’Le désordre bien entretenu dans ce domaine, l’excès de zèle dont fait montre parfois l’Autorité de Régulation de la sous-traitance dans le secteur privé (ASRP), en plus des interférences politiques ne peuvent nullement promouvoir la nouvelle classe économique et sociale visée par la loi sur la sous-traitance ni assurer le développement et la pérennité de l’industrie minière, colonne vertébrale de l’économie congolaise’’, indique Maitre Timothée MBUYA, Président de JUSTICIA Asbl Selon plusieurs opérateurs économiques congolais, il faut avoir des liens politiques, amicaux ou familiaux dans les hautes sphères du pouvoir politique pour prétendre décrocher des marchés de sous-traitance dans le secteur minier. A ces jours, la sous-traitance s’apparente à une forme moderne d’esclavage dans la mesure où il y a des différences inacceptables de traitement entre les travailleurs de l’entreprise principale et celui de la sous-traitance pour lequel la fin du contrat peut intervenir à tout moment sans une indemnité conséquente. De ce point de vue, la sous-traitance apparait comme un mécanisme d’enrichissement des propriétaires des entreprises sous-traitantes au détriment des travailleurs qui n’ont aucune protection sociale. C. Des difficultés qui frappent les entreprises minières Plusieurs entreprises ont eu maille à partir, notamment avec des autorités congolaises et pour des raisons purement politiques. Il s’agit des entreprises minières dans lesquelles sont soupçonnées détenir des participations dans le capital social, des personnalités politiques qui ne seraient pas membres de l’Union Sacrée. Certaines entreprises ont été suspendues et d’autres ont vu leur permis d’exploitation retirer suite à des fortes pressions politiques qu’auraient exercées des membres de la famille du Président Félix TSHISEKEDI sur l'administration minière7 . D'autres entreprises ont été secouées parce que soupçonnées de contracter avec des entreprises sous-traitantes qui appartiendraient à des opposants politiques. Même certains directeurs généraux d'entreprise ayant résisté à ces pressions ont été contraints de quitter le pays sous la pointe des pieds. E. L’opacité des opérations minières : un obstacle au développement communautaire Au cours de ces dernières années, bien que des efforts aient été entrepris pour lutter en faveur de la transparence dans la gestion des revenus provenant des entreprises minières, d’autres questions bien plus importantes demeurent encore et certaines mauvaises pratiques ont la peau dure. Il s’agit entre autres, de la signature des contrats et accords miniers entre le gouvernement congolais et ses partenaires sans tenir compte des populations riveraines aux sites miniers ni les faire bénéficier directement des retombées de certaines négociations positives. Pour JUSTICIA Asbl, par exemple, dans le cadre de l’accord trouvé entre la Gécamines et le groupe chinois CMOC, le gouvernement devrait clarifier la part qui reviendrait aux habitants de Fungurume et de Tenke de la somme de 800.000.000 $ que TFM verserait à la Gécamines. Il en est de même de ce que gagneraient les habitants de Kolwezi dans le pactole de 7 milliards de dollars américains que paierait SICOMINES à la suite de la renégociation du contrat avec la RDC comme l’avait annoncé le Chef de l’Etat dans son discours d’investiture du 20 janvier 2024. F. L'énergie insuffisante et les voies d'évacuation des minerais inadéquates Le développement de l'industrie minière va de pair avec l'approvisionnement en énergie électrique. Sur ce point précis, la RDC connaît un retard inimaginable malgré son gros potentiel hydroélectrique. A l’horizon 2018-2022, le gouvernement congolais entendait poursuivre l’accès des unités de production à des populations urbaines et rurales à l’électricité. A ces jours, en dehors du barrage hydroélectrique de Busanga et de quelques micros-barrages construits par des privés, l’action du gouvernement congolais en vue d’améliorer la desserte en énergie électrique est presque inexistante. La Société Nationale d’Electricité, étant l’ombre d’elle-même, le projet Inga 2 et Inga 3 souffrent toujours de mise en exécution et le Gouvernement semble ne pas être capable de financer et soutenir des projets de construction des micro-barrages qui soutiendraient le secteur minier. S'agissant du transport des minerais, la Société Nationale des Chemins de Fer (SNCC) peine à reprendre du service. Il n'existe presque plus de locomotives et des infrastructures ferroviaires adaptés pour ce faire. La seule possibilité de transport des minerais étant par la voie routière dont quelques rares congolais disposent des engins dans les mines ont besoin pour le transport des matières premières. En plus, le transport des minerais par camion favorise la pollution de l’environnement dont plusieurs cas ont déjà été documentés dans les provinces du Haut-Katanga et du Lualaba. g. La présence des militaires sans bulletin de service sur les sites miniers Plusieurs entreprises de la région ont décrié la présence des militaires des Forces armées congolaises (FARDC) sur leurs sites nonobstant les multiples appels à l’ordre du Chef d’Etat-major général des FARDC. Ceux-ci favorisent par leur présence le vol des minerais par les coopératives minières qui bénéficieraient de l’influence même des membres de la famille présidentielle, dans des nombreux cas. Ce sont des centaines de camions remplis des minerais qui sortent à longueur des journées au vu et au su des services techniques travaillant dans le secteur minier, et ce au préjudice des opérateurs miniers qui observent cette prédation en toute impuissance pourtant possédant des droits sur le permis leur octroyer par le gouvernement congolais. Mais en plus, la présence des militaires sur les miniers entrainent des multiples violations des droits humains qui risquent de remettre en cause les efforts fournis par le gouvernement congolais pour adhérer à l’Initiative Internationale sur les Principes Volontaires sur la Sécurité et les Droits de l’homme. 8 A ces jours, le nombre estimatif des militaires présents sur les sites miniers du Haut Katanga et du Lualaba serait entre 5000 et 10000 hommes et plus d’une centaine des éléments de la Garde républicaine. Le 13 avril 2019, le Président Felix TSHISEKEDI avait tenu à Lubumbashi un conseil de sécurité au cours duquel, il avait strictement interdit toute présence des militaires et policiers non éligibles dans les mines. En application à cette résolution, le Chef d’Etat-major des FARDC et même l’Auditeur militaire général avaient pris des notes circulaires qui sont toutes restées lettres mortes, si bien qu’à ces jours, il existe encore des militaires et des éléments de la Garde républicaine pour la surveillance de certains sites miniers qui appartiendraient à des individus ayant des rapprochements avec la famille présidentielle. 2. RECOMMANDATIONS Au Président de la République, Félix Antoine TSHISEKEDI - De concourir à un meilleur assainissement du climat des affaires par une instruction à tous les services impliqués à ne pas procéder au trafic d’influence sans raison - De veiller à ce que les membres de sa famille ne soient impliqués de loin ou de près au trafic des minerais sous la couverture d’une exploitation artisanale illicite. - De veiller à ce que ses instructions données pour le retrait des militaires et policiers non éligibles sur les sites miniers ne souffrent d’aucune restriction. Au Gouvernement - De soutenir l’ASRP à demeurer un organe technique et spécial du gouvernement chargé de promouvoir la sous-traitance dans le secteur privé et veiller à ce qu’il reste apolitique et que ses animateurs ne soient pas en conflit d’intérêt. - De prendre des mesures draconiennes pour continuer à améliorer le climat des affaires en vue d’inciter des investisseurs miniers sérieux et majeurs à développer des projets en RDC - De veiller à ce que toutes les personnes physiques ou morales qui envahissent les sites miniers concédés à des tiers puissent les libérer et poursuivi en justice pour vol des substances minérales appartenant à autrui. - D’assurer la diversification des activités économiques en vue de la relance effective du développement du pays, car la population ne mangera pas les mines. - D’accélérer la réforme de la SNEL et de financer adéquatement ses opérations en vue de la rendre plus compétitive et à même de rendre un bon service à la population et aux entreprises minières. - D’accorder des facilités aux opérateurs économiques qui veulent investir dans la production et la commercialisation de l’énergie électrique - De veiller à l’application des dispositions légales en matière du travail pour que le traitement des travailleurs dans les entreprises de sous-traitance se fasse de manière juste et équilibrée. Aux entreprises minières - De soutenir l’économie de la RDC en mettant en application de bonne foi la législation minière, spécialement celles en rapport avec le rapatriement en RDC de 40 % d’exportation, l’exclusivité de la sous-traitance aux congolais, la participation requise d’au moins 10% des congolais lors de la création d’une société minière, la signature et le financement des cahiers de charge.
Fait à Kinshasa, le 15/03/2024
Pour JUSTICIA Asbl
Maitre Timothée MBUYA
Président